APRES SES ETUDES UNIVERSITAIRES à Sherbrooke, Nathalie Gagnon pensait brièvement poursuivre sa carrière ailleurs. Cependant, elle avait toujours une petite pensée pour son chez-elle, à La Baie, au Saguenay. Et c’est là qu’elle est retournée, depuis maintenant plus d’un décennie.
Elle est directrice de marketing et communication chez DéryTelecom, un câblodistributeur spécialisé en services aux milieux ruraux. Depuis 2016, elle fait également partie du quatuor des copropriétaires. Dans une région qui a historiquement été défini par ses villes industrielles, DéryTélécom fait un impact remarquable. “L’idée de contribuer à maintenir la vitalité économique en région, à maintenir des services et à créer des emplois, c’est très motivant pour nous,” dit Nathalie Gagnon.
(L'équipe executive de DéryTélécom au quartier-général de la compagnie à La Baie: copropriétaire et directeur des TI Cédric Tardif, copropriétaire et directrice de communications et marketing Nathalie Gagnon et copropriétaire et directeur général Bryan Godbout. Absent de la photo: Éric Banville, copropriétaire et directeur, ingénierie et gestion de projet.)
La compagnie a été établie en 1954 par Gilles Déry. “Il vendait des télévisions, mais il voyait que [les ventes] allaient moins bien dans les montagnes, parce que le signal passait moins bien,” raconte Gagnon. “Il est parti aux États-Unis et il voyait qu’on y utilisait des câbles…et il a ramené ça au Québec. Il s’est lancé dans l’aventure de la câblodistribution pour pouvoir vendre ses télévisions, et ensuite la câblodistribution est devenue le plus important volet de l’entreprise.”
Gagnon et les autres copropriétaires, Bryan Godbout, Éric Banville et Cédric Tardif, ont pris la relève de DéryTelecom en avril 2016. Avant de prendre les rênes, ils avaient tous travaillé pour l’entreprise pendant plusieurs années. “Notre arrivée [comme propriétaires] correspond à une phase d’expansion dans l’entreprise,” se rappelle Nathalie Gagnon. “À l’époque, le momentum dans l’industrie plaçait beaucoup de petits câblos devant une décision — vendre ou grandir. Nous avons pris le chemin de l’expansion. Pour nous, devenir copropriétaires était la continuation d’une longue aventure.”
Gilles Déry avait lancé l’entreprise au Saguenay et dans les régions de Portneuf et de Baie-St-Paul. Maintenant, DéryTelecom fournit des services à plus de 200 communautés à travers le Québec, dans le Bas-Saint-Laurent et dans les régions de Charlevoix, Lanaudière, Laurentides, Montérégie et l’Outaouais ainsi que dans son foyer au Saguenay—Lac-Saint-Jean.
“Nous sommes les spécialistes en milieu rural,” lance le copropriétaire et directeur général Bryan Godbout, également originaire du Saguenay. “Nous ne faisons jamais de compétition avec Vidéotron ou Cogéco, parce que nous n’avons pas le même marché. S’ils voulaient vendre, nous serions heureux d’entrer dans un marché urbain, mais dans le fond, ce n’est pas ça qu’on fait.”
« S’ils voulaient vendre, nous serions heureux d’entrer dans un marché urbain, mais dans le fond, ce n’est pas ça qu’on fait. » – Bryan Godbout
“Le moyen de population dans les villages qu’on dessert est de 600 habitants,” ajoute Nathalie Gagnon. “D’autres compagnies ne vont pas toujours dans ces milieux-là. Ça demande plus d’infrastructure, plus d’immobilier, plus d’investissement, mais on n’a pas le choix, surtout si on veut continuer à rester près des gens. En milieu rural, on voit toute de suite comment les gens se mobilisent dans un projet. Si on fait un appel à la communauté, les gens mettent la main à la pâte. C’est loin d’être impersonnel, c’est plus que de la business.”
DeryTélécom est le propriétaire de son infrastructure de réseau. Dans certaines municipalités, la service est assurée par des petits coopératives bénévoles, avec un coup de main occasionnel du quartier-général. “Nous travaillons avec des municipalités et des MRC au Québec et avec d’autres câblodistributeurs et nous donnons accès à nos équipements aux petites coopératives,” explique Nathalie Gagnon. “Dans 30 villages, on maintient le service en conjonction avec le co-op local. Ils paient une redevance et nous leur donnons notre expertise, et quand ils ont des problèmes techniques nous envoyons nos techniciens.”
Bryan Godbout et Nathalie Gagnon regardent la carte du Québec et ne voient que l’opportunité. “Il reste encore beaucoup de territoire non desservi au Québec,” dit Godbout. “C’est surprenant! Il y a encore beaucoup des maisons qui n’ont pas de service internet ou qui ont un service très lent.” Selon une étude du Centre facilitant la recherche et l’innovation dans les organisations, à l’aide des technologies de l’information et de la communication (CEFRIO), un groupe de réflexion québécois axé sur le numérique, 22% des Québécois n’avaient toujours pas accès à l’Internet en 2013. “Nous sommes relativement jeunes et dynamiques, mais nous avons de l’ouvrage jusqu’à notre retraite!” dit Bryan Godbout, le sourire aux lèvres.
Régulièrement, l’équipe de Déry reçoit des demandes d’extension de service, venant des municipalités, des entrepreneurs et des citoyens en milieu rural aux quatre coins de la province. “Nous avons une liste d’attente de deux ans et un calendrier rempli,” dit Nathalie Gagnon.
Le côté humain
En plus d’investir dans ses poteaux, la compagnie investit dans son personnel, et dans son milieu. La compagnie est un des plus grands employeurs au Saguenay, avec environ 400 employés. “Nous embauchons des gens de la place, nous soutenons l’équipe de hockey local et nous contribuons aux fonds quand vient le temps de rénover l’aréna,” dit Nathalie Gagnon. “On a un bel esprit d’équipe. Nous avons plusieurs familles où les deux parents travaillent pour nous, et nous avons même une ‘gar-Déry’ pour les jeunes enfants.”
« Nous embauchons des gens de la place, nous soutenons l’équipe de hockey local et nous contribuons aux fonds quand vient le temps de rénover l’aréna. » – Nathalie Gagnon.
Cette implication communautaire est aussi évidente dans leur éventail de services, qui va au-delà du minimum exigé par le CRTC. “L’implication dans la communauté fait partie de notre ‘bris d’égalité’ avec nos concurrents…la télévision locale fait partie de notre implication communautaire,” dit Nathalie Gagnon. “Chaque fois qu’on acquiert une nouvelle territoire, il y a une station communautaire, et on les soutient en équipement et en argent. Un journaliste de Québec n’ira pas nécessairement à Portneuf ou à Baie-Saint-Paul pour couvrir les évènements locaux. Rares sont les chaines de télé locales qui ne diffusent pas les bulletins de nouvelles locales, les réunions de conseil de ville…ou les messes! Les gens qui sont âgés ou malades ou qui doivent rester à la maison veulent voir la messe; des choses comme ça sont importantes!”
Poteaux et papiers
Selon Godbout, la meilleure chose que les gouvernements peuvent faire pour des câblodistributeurs ruraux comme le sien, est de rester à l’écoute. “ Rien que pour avoir un permis pour installer un nouveau poteau, c’est compliqué, dit Godbout. “Je ne suis pas une de ces personnes qui pensent que la réglementation est juste là pour nous compliquer la vie [mais] ça devient de plus en plus compliqué, et c’est difficile pour les plus petites compagnies de suivre.”
“Pour nous, le défi est de tout enseigner à notre personnel afin qu’ils puissent tout expliquer à nos clients,” dit Gagnon. “Nous ne sommes pas dans la même réalité que les grandes compagnies…le fait que nous avons moins de volume est pris en compte, mais j’espère que [la CRTC et la province] vont continuer à écouter les petites entreprises.”
Pour le moment, l’équipe de DéryTelecom continue à viser l’expansion. “Nous grandissons plus vite que les grands joueurs…à plus de 10% par année,” dit Bryan Godbout. “Nous grandissons par acquisition et par extension. On vient d’acquérir les Iles de la Madeleine, alors ça va nous garder occupés pendant quelques années. Ce n’est jamais le même quand on va dans une autre région.”
Malgré leur expansion rapide, ils tiennent à rester bien ancrés à La Baie. “Nous ne voulons pas oublier d’où on vient,” conclut Nathalie Gagnon. “Comme employeur, nous contribuons à garder notre région en vie et encourager les jeunes de la région. Et on l’a tatoué sur le coeur.”
Histoire écrite et traduite par Ruby Pratka.