8e partie dans notre série sur la révision des Lois sur la radiodiffusion et des télécommunications
IL APPARAÎT CLAIREMENT au fil de notre enquête sur les défis et opportunités associés à la modernisation du cadre législatif de la radiodiffusion et des télécommunications que la Loi sur la radiodiffusion semble celle qui a le plus besoin d’une mise à jour.
Nous ne passerons pas en revue tous les arguments (consultez les sept articles précédents sous l’onglet «Investigate»), mais pensez à Netflix et leurs confrères fournisseurs de télévision en ligne et à la myriade de défis rencontrés par les médias. Cela dit, la Loi sur les télécommunications a quand même besoin de légères mises à jour elle aussi, selon les personnes interviewées et les commentaires formulés dans les forums de l’industrie.
Il y a presque deux ans, le CRTC désignait la large bande comme un service de télécommunications essentiel. En avril 2016, le président du CRTC d’alors, Jean-Pierre Blais a fait un discours sans précédent lors de l’audience sur l'objectif des services de base (OSB) après seulement sept jours d’une audience qui devait en durer 21, audience qui comportait une discussion sur l’éventualité de considérer la large bande comme un service essentiel au même titre que le service de téléphonie locale. Il a déclaré que la large bande est essentielle.
«En tout et partout, les témoins qui ont comparu devant nous sont d’accord avec cette évidence; la large bande est essentielle,» a-t-il dit. « Donc, à moins que vous ne soyez pas d’accord avec cette conclusion, ne passons pas plus de temps sur cette évidence. Nous avons d’autres choses plus importantes à traiter.»
Alors que ces paroles ont marqué un moment important dans la politique sur les télécommunications, ils n’ont pas eu beaucoup d’effets pour assurer un accès à la large bande pour toutes les Canadiennes et tous les Canadiens.
John Lawford, directeur général et avocat général du Centre pour la défense de l’intérêt public (CDIP) déplore le fait qu’il n’y ait toujours pas d’obligation de service universel dans la Loi sur les télécommunications. Il souligne que le rapport du Groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications (rédigé par l’avocat Hank Intven, l’investisseur Gerri Sinclair et le professeur André Tremblay) recommandait d’adopter une obligation de service comme celle des États-Unis.
«Ce rapport disait que, comme aux États-Unis, il devrait y avoir un régime de service universel. Et que retirez-vous d’une telle obligation? Vous avez une super infrastructure de base comme Lifeline qui fournit des services aux personnes à bas revenus parce que l’obligation est là. Parce que c’est une obligation statutaire et c’est dans la Loi,» explique-t-il.
Les compagnies de télécommunications titulaires ont peut-être l’obligation de fournir un service de large bande comme ils ont l’obligation de fournir le service téléphonique selon les règles du CRTC, mais c’est neutralisé par les décisions du Conseil de s’abstenir de réglementer les tarifs là où il y a assez de concurrence.
Ce fut un problème qui est ressorti de la décision OSB, fait valoir John Lawford: Le Conseil ne peut obliger une entreprise de fournir de la large bande dans une communauté non desservie.
«Donc, nous sommes dans une zone grise bizarre et c’est pourquoi il ne peut obliger les entreprises de fournir le service en région éloignée.» – John Lawford, PIAC
«Les entreprises pourraient rafistoler quelque chose pour ne pas ajouter d’argument à une infrastructure gouvernementale pour desservir ces communautés, mais si vous êtes en bordure d’une ville et qu’il n’y a pas de réseau et qu’il n’y a pas de subvention, ils ne vous fourniront pas le service, parce qu’ils ne sont pas obligés. Et aux États-Unis, ils sont obligés. Donc cela est un manquement. La majorité de la population canadienne n’est pas affectée, mais ceux qui vivent en marge le sont,» dit-il.
Donc, malgré des déclarations affirmant que la large bande est un service essentiel, il n’y a rien dans les politiques ou la réglementation qui force les fournisseurs de services de communication à offrir la large bande aux Canadiens où qu’ils se trouvent.
«On ditque tout le monde en a besoin, mais personne n’a l’obligation de le rendre disponible. Donc, nous sommes dans une zone grise bizarre et c’est pourquoi il ne peut obliger les entreprises de fournir le service en région éloignée,» dit-il.
Alors que les organisations de protection des consommateurs exigent une obligation explicite de fournir de la large bande dans la Loi sur les télécommunications, les petites EDR ne sont pas préoccupées. Tant et aussi longtemps qu’elles pourront faire des demandes de subvention au programme gouvernemental Brancher pour innover ou au futur Fonds pour la large bande du CRTC, pour renforcer et déployer leur réseau, elles sont satisfaites avec ce qui existe.
Jay Thomson, PDG de la Canadian Cable Systems Alliance (CCSA), note que les règles entourant la fourniture de large bande semblent bien fonctionner.
«Si ça fonctionne, comme ça semble être le cas aujourd’hui, avec le Conseil ayant ces pouvoirs, nous ne voyons pas de raison de changer,» dit-il.
Les futurs défis du 5G
Il existe un autre défi auxquels les futures politiques en télécommunications feront face et c’est celui des réseaux sans-fil. Au cours des prochaines années, les fournisseurs de services sans-fil commenceront à déployer ce qu’il est convenu d’appeler les réseaux 5G, une infrastructure qui offrira une vitesse et une capacité qui seront une amélioration importante sur les infrastructures 4G actuelles. Cela rendra possible un large éventail d’applications, incluant l’automobile branchée et autonome. (Pour plus de détail sur les développements du 5G, au Canada voyez ici et ICI.)
Pour atteindre les vitesses, la capacité et la latence promises par le 5G, les cellules du réseau devront être beaucoup plus petites qu’elles le sont aujourd’hui. Ce qui signifie que ce sera un défi pour les opérateurs de sans-fil lorsque viendra le temps de déployer les tours et les antennes.
Shaw Communications lors de la Conférence 5G du Canada de l’Association canadienne des télécommunications sans fil (ACTS) a fait valoir que la Loi sur les télécommunications devait être renforcée pour donner au CRTC la juridiction sur les poteaux de services électriques.
Paul Cowling, VP affaires réglementaires de Shaw, a noté que cet enjeu arrive à point alors que la Commission de l’énergie de l’Ontario (CEO) consulte présentement ses partenaires afin de doubler les tarifs pour permettre aux tierces parties d’accéder à leurs poteaux.
Le tarif précédent, inchangé depuis 2005 a été fixé à 22.35$ par poteau par année. Le nouveau tarif est de $52, ce qui, selon un projet de rapport de la CEO, datant du 18 décembre 2017, reflète les données de 2010 à 2015.
Étant donné la hausse significative des tarifs d’accès aux poteaux et le fait que les réseaux 5G en zone urbaine doivent être considérablement plus denses, on peut comprendre pourquoi les fournisseurs de services sans-fil sont préoccupés et demandent au gouvernement d’intervenir. (Les municipalités voient également les entreprises de télécommunications comme des sources de revenus sur les questions des droits d’accès.)
Les représentants de Rogers Communications ont ajouté lors de cet événement que «la mosaïque des régimes réglementaires inclut des droits d’accès prohibitifs et retardera et possiblement empêchera le déploiement (du 5G).»
David Watt, VP principal aux affaires réglementaires chez Rogers, a noté que des sections de la Loi sur les télécommunications devront être réinterprétées ou amendées pour donner aux entreprises de sans-fils un accès aux infrastructures municipales comme elle le fait pour la téléphonie filaire.
Les entreprises de télécommunications sont «injustement pénalisées lorsqu’elles tentent de raccorder leur équipement à des poteaux de services électriques, dit-il. «La parité réglementaire ne peut être achevée que si le CRTC obtient l’autorité de réglementer les poteaux électriques et les conduites.»
Nous espérons que vous avez apprécié notre série qui se termine de façon appropriée sur des questions de quincaillerie. Elle se conclura la semaine prochaine, avec les réflexions de l’éditeur de Cartt.ca, Greg O’Brien sur le processus et comment il n’y aura probablement pas assez de temps pour achever ce travail avant la fin du mandat actuel de ce gouvernement.