3e Partie dans notre série sur la révision des Lois sur la radiodiffusion et des télécommunications
NUL DOUTE l’arrivée de Netflix comme principal concurrent dans la course aux téléspectateurs au Canada a créé une perturbation majeure dans le paysage audiovisuel canadien.
Avec plus de 6 millions d’abonnés au Canada et la première place qu’il occupe auprès des 25-34 ans aux heures de grande écoute (voir ICI), il est difficile d’argumenter contre l’inclusion de ces services de programmation et de distribution par contournement sous la réglementation actuelle en radiodiffusion.
Cette perturbation va sans doute s’accentuer alors que Amazon Prime augmente son offre de contenu, que le nouveau service CBS All Access sera introduit au Canada en 2018 et que d’autres vont entrer dans le marché canadien.
Pour Cal Millar, président de Channel Zero (propriétaire de la station CHCH), ceci pose la question de la parité et de la participation significative du contenu non canadien sous l’égide de la Loi sur la radiodiffusion. Le problème, c’est l'ordonnance d'exemption de 1999 relative aux médias numériques.
« Les joueurs utilisant les services de programmation par contournement accèdent au marché canadien, si vous accédez à ce marché, si vous faites de l’argent dans ce marché, pour quelle raison ne pouvez-vous pas contribuer à ce marché? » questionne-t-il dans une entrevue avec Cartt.ca.
« Pourquoi auriez-vous un système qui favorise la propriété étrangère? » Cal Millar, Channel Zero
Inversement, pourquoi le gouvernement imposerait-il des obligations aux entreprises canadiennes ? Par exemple, une fois que les canaux spécialisés seront tous transformés en services facultatifs, ils n’auront aucun droit, ils n’auront que des obligations. « Pourquoi auriez-vous un système qui favorise la propriété étrangère? » se demande-t-il.
Il suggère que le gouvernement examine cette situation sous une autre perspective. Si l’industrie laitière canadienne devait contribuer au système canadien alors que les Américains pouvaient importer du lait et du fromage au Canada sans payer de taxes. « En quoi c’est différent des industries culturelles? Pourquoi Netflix peut retirer 600M$ par année (revenus estimés) du marché canadien alors que les entreprises canadiennes doivent, non seulement payer la TPS, mais également contribuer de manière significative au système », ajoute-t-il.
Maureen Parker, directrice générale de la Writers Guild of Canada est d’accord pour dire que Netflix et autres fournisseurs de services en ligne doivent faire partie du système réglementé. Elle reconnaît que ces services sont présentement exemptés, mais cela veut dire que le CRTC peut donc les réglementer et le temps de le faire est arrivé.
Elle ajoute que Netflix pourrait se prévaloir du financement offert par le Fonds canadien des médias, s’il créait de la programmation rencontrant les exigences du BCPAC. Il peut également se prévaloir des crédits d’impôt. Ces deux éléments illustrent la logique selon laquelle il devrait contribuer au système canadien.
Si les régulateurs et les législateurs n’obligent pas Netflix et d’autres fournisseurs de services en ligne à contribuer au système au même titre que les entreprises canadiennes, le gouvernement devrait enlever les contraintes pour les entreprises canadiennes.
« Il y a trente ans, nous avions un système qui priorisait tant la propriété canadienne que les entreprises et les producteurs canadiens et rapportait des bénéfices. Aujourd’hui, suite à des décisions à la pièce, on se retrouve, dans une situation inverse. Si on n’est pas d’accord avec mon point de vue, de prioriser la propriété canadienne, on devrait, au minimum, diminuer les contraintes, » continue Millar.
Channel Zero n’est pas le seul à croire que les services de programmation par contournement devraient contribuer au système canadien de radiodiffusion.
« Et si, avec le temps, ces plateformes et ces radiodiffuseurs en ligne ne sont pas intégrés dans notre système, cela résultera en une contraction de notre industrie. » – Reynolds Mastin, CMPA
Reynolds Mastin, président de la Canadian Media Producers Association (CMPA), en entrevue avec Cartt.ca, a dit que la prémisse de base est que tous ceux qui bénéficient du système doivent y contribuer. La révision par le gouvernement des Lois sur la radiodiffusion et sur les télécommunications pourrait conclure que la contribution de chaque joueur– traditionnel ou en ligne – doit être la même. Elle pourrait également conclure qu’une approche sur mesure pourrait mieux s’appliquer aux fournisseurs de programmation en ligne.
Quelle que soit le résultat, une Loi sur la radiodiffusion modernisée doit s’assurer que toutes les entreprises, FSIs, fournisseurs de service sans-fil, fournisseurs de télévision en ligne, tout comme les joueurs traditionnels « contribuent à la croissance et au succès du secteur canadien de la production » a-t-il expliqué.
« Ce qui est important, selon notre perspective, c’est que le principe que ceux qui bénéficient doivent contribuer, soit reflété et qu’il s’applique à toutes les entreprises, » a-t-il dit
Dans l’examen de la Loi sur la radiodiffusion nous devons également songer à la façon dont les consommateurs voient le système, qu’ils regardent les programmes sur leurs écrans géants par le biais de leur câblodistributeur ou qu’ils regardent sur leur sans-fil. Tout cela est de la télévision!
Cependant, le médium qu’utilise le consommateur pour consommer cette télévision a des conséquences importantes pour le système de radiodiffusion canadien.
« Ceci est au cœur de notre préoccupation alors que de plus en plus de contenu est consommé sur des plateformes numériques, cela a des conséquences importantes pour le système de réglementation existant, » explique Mastin. Et si, avec le temps, ces plateformes et ces radiodiffuseurs en ligne ne sont pas intégrés dans notre système, cela résultera en une contraction de notre industrie. Et cela signifiera moins de grandes émissions canadiennes et moins d’emplois au Canada. »
La semaine prochaine, nous entendrons un important dirigeant canadien nous dire qu’il pense que Netflix a embobiné le gouvernement canadien afin qu’ils puisse contourner les règles…
D’autres nous diront que Netflix n’est pas le vilain et qu’on devrait le laisser tranquille- parce que nous ne pouvons pas le contrôler de toute façon.
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Oeuvre originale de Paul Lachine, Chatham, Ont.